vendredi 26 octobre 2018

Comme une bouteille à l'amer...



AVERTISSEMENT : LES IMAGES QUI SUIVENT SERVENT DE RESPIRATION DANS CETTE LONGUE LETTRE.
Elles ne décrivent pas l'installation artistique dont il y est question.




Chers amis


Et je pèse mes mots, car si vous recevez ce courrier sous ce libellé, c'est que je vous compte parmi mes amis.

Je choisis cette belle journée d'octobre pour vous donner des nouvelles d'Antoine et moi depuis que nous avons quitté la Seine et Marne, où, malgré la tristesse d'avoir dû laisser la Franche Comté derrière moi, j'ai rencontré bon nombre d'entre vous.
J'y ai aussi vécu des expériences hors du commun, pris des images splendides depuis le balcon de cette maison que nous n'habitons plus mais qui semble vouloir nous attendre.





Tout cela, je l'ai posé sur un beau papier, dans un bel objet dont certains d'entre vous ont conçu qui la maquette, qui la couverture. D'autres se sont attelés à la correction, à la saisie du texte tapé car je déteste passer par une machine pour donner corps aux mots... D'autres étaient là, juste là pour m'ancrer dans cette vie que je peinais à habiter.




Certains d'entre vous ont reçu ce livre en cadeau. D'autres pas. D'autres encore l'ont acheté et je les en remercie car ces quelques billets nous ont permis de nous nourrir durant les périodes de vaches maigres.
A ce jour, il reste en stock, sans compter ceux qui sont en dépôt dans des magasins spécialisés dans la vente d'ouvrages papier, environ 200 ouvrages que j'offre à qui aime lire, a envie d'offrir un cadeau de Noël à un ou une lectrice.




Pourquoi, me direz-vous, est-ce que j'offre ces livres alors que nous n'avons plus un rond, que le bar est désert ou presque, que l'excellente programmation d'Antoine n'attire que quelques esthètes mélomanes : nous jouissons d'un son exceptionnel, d'une qualité d'écoute rare, de moments de complicité inouïs avec des musiciens de la trempe des aèdes d'antan mais nous buvons lentement le bouillon...





Nous avions donc décidé d'honorer les quelques dates fixées jusqu'à l'été prochain et de rentrer sagement à la maison, d'où je continuerai à écrire, peindre, conter, coudre, promener Melchior, partir quelques jours chez les uns et les autres pour respirer le bon air des montagnes ou de la mer ou de l'amitié tandis qu'Antoine reprendra le collier, (et je pense à un collier très particulier!) afin d'assurer la ration de croquettes à nos trois poilus, le remplissage de la cuve de gaz et autres babioles auxquelles nous ne pouvons échapper.





Las ! Comme disait Lennon, la vie, c'est ce qui arrive quand on d'autres projets.
La vie vient de me donner une promesse à tenir que je tiens à honorer, contre vents et marées.




Il s'agit d'un ami, un des rares et seuls ici. Une des seules personnes qui a essayé (et réussi!) à nous aider, en nous donnant de bons contacts, en venant boire son café aussi souvent que possible, même faible, même de retour de chimio, même encore ces derniers jours, alors qu'il subit un traitement de dingue avant de rentrer à l'hôpital.




Comme dans la chanson, s'il ne subit pas cette intervention, il mourra au printemps.




Voilà que cet ami rentre dans le bar l'autre jour, nous raconte tout ça et ajoute : "Quand je sortirai, je viendrai t'aider". Il parlait à Antoine. Et de lui décrire comment il viendrait, gratuitement, juste pour le plaisir de respirer encore, d'entendre encore la musique qu'il aime, installer sa platine, faire le DJ, nous proposer des soirées années 80...





Lui qui ne s'était jamais plaint, lui dont j'aimerais écrire la vie tellement il a connu d'instants hors des sentiers battus, lui qui est un modèle de courage... Je dis lui, mais je devrais dire lui, son épouse, ses enfants, ses petites enfants. Lui, pour la première fois de sa vie, s'est épanché au bar. Pas de plainte. Rien que cette immense fatigue d'un homme qui se bagarre pour entendre encore un peu son idole.




Certes, nous n'aimons pas forcément la même musique.




Mais cet endroit splendide ouvert à tous les vents qui semble sorti d'un tableau de Hopper ou d'un roman de Faulkner nous a donné ce qu'il avait de meilleur à offrir : la possibilité de rencontrer et apprécier des gens qui ne pensent pas comme nous, n'aiment pas les mêmes choses que nous mais aiment tous la Musique.




Et j'y ai rencontré cet homme et sa femme, qui sont en train de changer ma vie.




Il connaît le monde de la nuit, il connait le monde de l'entreprise, il a su gagner beaucoup d'argent mais chez lui, l'argent gagné n'est rien d'autre que la matérialisation de la réussite de l'entreprise.



Plusieurs fois il m'a dit, si tu veux gagner de l'argent, fais à manger... mais comment faire à manger ici où le moindre centimètre carré est dédié à la musique, la peinture, les livres et quelques arts mineurs dont les arts ménagers ? Ici où ne nous sommes que locataires et que notre bailleur se désintéresse du lieu ?




Comment faire à manger sans cuisine professionnelle avec un tempérament d'anorexique qui peut oublier de se nourrir dès qu'elle est prise dans une activité créative?




Et puis, j'ai compris ce qu'il aimerait avoir là, sous la main, pour pouvoir recevoir ses amis quand leurs journées de travail les laissent, lui et sa compagne, rompus : pour manger des moules frites à volonté ! Juste manger en terrasse avec ses potes car les trajets jusqu'à la ville pèsent de plus en plus sur ses journées.




Alors, j'ai eu une idée : un de nos amis d'ici nous vendrait une caravane pour 1000 euros. Je ne sais pas combien coûterait l'installation d'une cuisine aux normes pour transformer l'engin ( plutôt chouette) en food Truck. Disons, 4000 tout compris, car nous avons 2 mains gauches, Antoine et moi, et c'est maintenant une course contre la montre qui s'engage. De faire à manger, en attendant de choper les sous, vendre la maison ou gagner au loto, je me suis dit que je veux lui offrir la possibilité de manger des moules frites aussi souvent qu'il en aura envie.




Il y a devant le bar une place de choix pour un food truck à domicile.
Il y a dans l'appartement de quoi loger celui ou celle qui installera son food truck  et le fermera les soirs de concert quand Agnès viendra avec le sien).




Quelqu'un qui fera des frites et des moules une fois par semaine.




Les autres jours, le food truck, associé à la cuisine de l'appartement, deviendrait un lieu d'ateliers de cuisine... Mais pas cette cuisine de riches ou chefs qu'on voit à la télé ou dans les magazines à bobos, gogo... Non, la cuisine du pauvre, la cuisine du travailleur, la cuisine de la ménagère qui ne sait pas où donner de la tête pour nourrir les siens sans les empoisonner.
La cuisine locale, bio ou pas, végétarienne ou pas.
La cuisine familiale qui oublie la potée sur le feu jusqu'au moment du repas.



La cuisine d'Anaïs.
La cuisine d'ailleurs.




Faire de chaque ICI, chaque LAS BAS, un AILLEURS où il fait bon passer l'hiver.
Un ailleurs où le mendiant n'est pas un sans abri, ou le migrant est une chance d'apprendre à cuisiner autrement sans être obligé de prendre l'avion, où la ménagère est la Reine.
Vivre, ICI et MAINTENANT dans un AILLEURS  que nous fabriquons, à l'abri des chiens et des imbéciles, auprès de mon arbre, le temps de remettre un codicille à mon testament.




Nous ouvrons donc le lieu à toute personne qui s'engage à y rester au moins un mois et à partager une partie de son temps à apprendre, transmettre et consigner les recettes.
Celui qui travaillera gardera le fruit de son travail.
Nous voulons juste un food truck à domicile qui s'engage à préparer des moules frites (à volonté) une fois par semaine et pour les autres jours, nous travaillerons ensemble.




Nous ferons les frites avec des vraies pommes de terre et comme c'est marée basse en ce moment, nous serons bien obligés d'acheter les moules à un horrible grand magasin mais qu'importe, puisque c'est ça qui lui fait plaisir.

J'ai vu mon ami hier, alors que j'installais la scène pour mon théâtre de la vie en cousant un costume. Je l'ai entendu dire "si je tiens jusque là, je subirai une greffe..." et non pas "Quand, comme il y a quelques jours..."








Et pour donner une structure à cette initiative, j'ai décidé d'ouvrir la marque Tiss'Monde, qui m'appartient (marque déposée à l'INPI) à toute initiative LOCALE (max 30 km de rayon) capable de proposer une restauration rapide de qualité dans tout village dont le bar (ou un particulier intéressé par la démarche), accueille un food truck du changement d'heure d'hiver au changement d'heure d'été).




Chaque projet sera porté par 3 à 6 personnes (max) qui travailleront de manière collective et coopérative, en choisissant la structure la mieux adaptée.
Attention aucune subvention ne peut être demandée ni consentie par les collectivités, de la plus petite à la plus grosse.





Il s'agit de passer l'hiver 2018 comme si ce devait être le dernier.
En donnant ce que nous avons de plus précieux : notre temps et notre amour de la vie.




Voilà pourquoi j'offre ce livre à qui s'inscrira dans cette démarche en m'envoyant une enveloppe timbrée à son adresse postale (le livre pèse 460g si je me souviens bien).




De mon côté, je continue d'offrir les exemplaires lors de sorties en ville, dans les maisons de retraites...
Recevez-le, lisez-le, aimez-le ou pas (si vous ne l'aimez pas, donnez le à quelqu'un qui l'aimera), rendez-vous sur la page FB Orange Amer où je vous donnerai des nouvelles du lieu....




Mais voici qu'entre mon ami.
Il rit.
Il vient prendre de nos nouvelles.
Melchior lui fait la fête.




Ce matin, j'ai passé la surface du bar à l'eau de javel.



Je sais, ce n'est pas bio.



Mais ce serait vraiment trop con qu'un rhume le tue alors qu'il s'apprête à passez deux mois en chambre stérile.



Et moi dans tout ça ?




Et bien, à la manière des Mille et unes Nuits ou du Décaméron, j'ai décidé de garder quelques exemplaires du "Petit Chaperon Bouge" et d'attendre l'équinoxe de printemps...




La scène est installée.




Tous les soirs, de 18H à 20H, spectacle vivant.




Je me suis transportée dans ma propre bulle, d'où je couds et tisse le rêve sur les traces d'Arachné.
Si l'on me demande une histoire, j'enfilerai un de mes costumes de scène.
Si l'on ne me demande rien, je demanderai, telle Donaziade, un disque à Antoine...
Et si, seul au bar comme dans un tableau de Hopper, survient un client, je demanderai à Antoine de nous passer sa musique et de nous conter toutes ces histoires qui constituent la meilleure bibliothèque rock (mais pas que) et sonore de toute la francophonie...
Voilà pourquoi j'offre mon livre.



Pour qu'il circule, qu'Orange Amer tienne, Ici et Ailleurs, au moins jusqu'au printemps.




J'oubliais l'essentiel, dont il est souvent question dans mon livre : La scène installée est une citation de "My Dress Hangs Thère", de Frida Kahlo.



Ce tableau est décrit dans cette biographie https://www.babelio.com/livres/Jamis-Frida-Kahlo-autoportrait-dune-femme/64649 sous forme d'une simple énumération est cela m'a donné l'idée de vendre chaque élément du décor jusqu'à ce qu'il ne reste plus que ma veste de conteuse et quelques biais que je pourrai transporter dans un ou deux sacs pour faire tourner le spectacle dans tous les lieux Tiss'Monde qui voudront le recevoir.
La vente de cette installation servira à l'achat d'un camion aménagé ou Melchior et moi pourrons voyager et dormir quand nous seront obligés de nous arrêter là où Tiss'Monde n'aura pas encore réussi à installer ses food truck, ses cuisines ambulantes, ses soupes populaires, ses saltimbanques, ses ravaudeuses, tisseuses brodeuses et dentelières capable de vous tailler un merveilleux costume dans une veste prévue pour le rebut.




Je ne publie aucune photo de la scène : ceux qui voudront faire des images et les publier pourront venir chaque soir, de 18H à 20h, sauf les lundis (jours de fermeture) et les soirées dédiées à la musique (3 par mois).




Emparez-vous de ce texte.
Copiez-le, partagez-le et dites vous que nous ne sommes pas condamnés à la résignation, à l'obscurantisme, à la peur du lendemain....
Et si quelqu'un vous traite d'utopiste, vous promet que ça ne marchera jamais, partagez de plus belle !




Sinon, vous pouvez aussi lire la première page de l'Archipel du Chien, de Philippe Claudel, que j'ai dévoré en une soirée il y a deux jours.




Juste la première page.




Et choisir votre chemin, entre cette première page qui dit tout et l'extraordinaire amour de la vie de Frida Kahlo.




La Griotte pour Orange Amer, LJS et tous ceux qui ont un long hiver à traverser ;
Conteuse, chercheuse, jardinière







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